La nécropole du « Poteau » à Richelieu (Indre-et-Loire)

Source :

  • BLANCHARD Philippe, GEORGES Patrice, « La nécropole du « Poteau » à Richelieu (Indre-et-Loire) : apport chrono-typologiques », in Revue Archéologique du Centre de la France, Tome 43, 2004, pp. 149-169 [en ligne] (lien)
Sépulture S.12, Coffrage mixte, Nécropole du "Poteau", Richelieu (Indre-et-Loire)Le pied et le couvercle étaient en matériaux périssables. © BLANCHARD Philippe, GEORGES Patrice

Sépulture S.12, Coffrage mixte, Nécropole du « Poteau », Richelieu (Indre-et-Loire)
Le pied et le couvercle étaient en matériaux périssables. © BLANCHARD Philippe, GEORGES Patrice

Cette publication est tirée du périodique « RACF », qui a mis en ligne l’ensemble des articles parus jusqu’en 2004 sur le site Persée. La fouille de la nécropole du « Poteau » est une opération préventive réalisée par l’INRAP à l’occasion de la construction d’un axe routier. Si la région a été le « siège de nombreuses études anthropologiques » ces deux derniers siècles, les informations à en tirer sont biaisées par des objectifs qui ne sont plus d’actualité. Cette fouille est alors l’occasion d’affiner les données chrono-typologiques. La diversité des modes d’inhumation, l’analyse de l’organisation spatiale et l’étude des gestes funéraires fait de cet article une synthèse qui dépasse le cadre des particularité régionales. Les rédacteurs exposent leur réflexion ainsi que des principes parmi les plus fondamentaux pour « lire » une sépulture, telle la taphonomie (*). Cet article est alors fortement recommandé pour toute personne curieuse à l’égard de ce domaine et nous tenterons d’en prélever des idées générales.

Le mobilier mis au jour dans certaines tombes milite en faveur de la datation de cette nécropole au VIIème siècle. En effet, on identifie les types de fibules, d’anneaux et de perles retrouvés et on rappelle leurs autres contextes de découverte. Si certains objets suggèrent une datation ample, les travaux de Stefan Thörle font des fibules un indicateur chronologique précis.

La délimitation de l’espace semble préétablie. Les réductions de corps et les recoupements entre les sépultures sont généralement propres au milieu urbain par le manque de place. Or, comme il est de coutume à cette époque, la nécropole est implantée hors des villes (sans que l’on sache pour autant si elle est en « plein champ » ou liée à un édifice religieux). Ces pratiques résulteraient donc d’une longue occupation des lieux. Elles révèlent aussi les réaménagements par le « groupe inhumant », qui s’adapte aux limites volontaires ou contraintes de la nécropole.

Les types de contenants funéraires présents sur le site sont variés – des sarcophages et des coffrages. Contrairement aux premiers, les seconds ne sont pas mobiles. Le lieu de dépôt du défunt est alors directement aménagé sur place. Or, à la différence des sépultures en « pleine-terre », ils disposent de structures de bois, de pierre (lauzes ou dalles), ou des deux à la fois. Dans ce dernier cas, on parle de « coffrage mixte ». Les parois sont alors de pierre puis le fond et le couvercle peuvent être de bois. Néanmoins, la présence de pierres dans l’aménagement n’est pas déterminant et il peut tout de même s’agir d’un simple « coffrage de bois ». En effet, elles peuvent correspondre à un dispositif servant à caler les planches, comme dans la sépulture S.19 de cette nécropole. La présence d’un fond, quant-à-elle, devrait être déterminée par la profondeur des ossements ou un effet de sol. Néanmoins, cet effet pourrait résulter d’un « dispositif de transport » déposé avec le défunt. L’usage d’un brancard dans le sarcophage 3 a justement été suggéré par le déplacement des ossements en raison de sa décomposition.

Le genre et l’âge du décès des sujets n’ont pas tous pu être déterminés en raison de l’état de conservation des restes osseux. De plus, la zone fouillée est trop exiguë pour que les données soient représentatives de l’ensemble de la nécropole. En revanche, ils ont tous été allongés sur le dos (décubitus dorsal), la tête droite, comme l’exigent les normes chrétiennes. Les anomalies sont, quant à elles, en relation avec le déplacement des ossements lors de la décomposition du corps.
Par ailleurs, l’acte funéraire impliquant la décision des autres, un individu que l’on dépose volontairement dans une autre position pourrait alors traduire des pratiques « païennes » voire, dans un cas extrême, une punition.
La sépulture S.8 a la particularité de présenter l’inhumation collective d’un adulte et d’un enfant.
La fonction du mobilier qui accompagne les sujets n’est interprétée qu’après avoir déterminé leur position d’origine. Certains objets sont déposés à proximité du défunt par les pairs, d’autres sont portés ou font partie du vêtement. Ce devrait notamment être le cas de certaines perles et les anneaux cuivreux de la tombe S.11.

En somme, mêlant réflexion sur des données nouvelles pour la région et explications, cet article est riche en informations et pourrait même être abordé par des lecteurs « non-initiés ».

Taphonomie : Il s’agit de l’ensemble des événements qui interviennent sur les restes animaliers après la mort et avant la fossilisation (déplacements durant la décomposition, altérations en raison de parasites, etc.)

Focus: La nécropole mérovingienne de Metzervisse (Moselle).

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Répartition spatiale des sexes et des différentes catégories de mobilier (dessin : B. Daux ; DAO : E. Rouger).

La nécropole mérovingienne de Metzervisse a été mise au jour lors d’une fouille préventive en 1995. Il fut mit en évidence qu’elle était en utilisation tout au long du VII e siècle jusqu’au IX e siècle. Cinquante-neuf inhumations furent découverte, le tout a proximité d’une villa gallo-romaine. Le mobilier funéraire est à la fois riche et bien conservé, révélant par sa composition (accessoires vestimentaires, parures, armes…) que la communauté était dominée par une aristocratie guerrière.

Le site se situe dans un secteur d’occupation anthropique très ancienne, remontant vraisemblablement au Paléolithique inférieur et moyen, datation proposée suite a la découverte de galet aménagés et d’éclats retouchés durant une prospection pédestre.

Les sources historiques citant pour la première fois le site sont datées de 897 / 898, nous donnant des informations a propos d’un don terrien au lieu-dit Hihelingas (HAUBRICHS, 1985, p.500 – 501). Ce nom de Hihelingas évoluera au fil du temps, on le connais en tant que Ichilingas au XII e siècle, Hekelinge en 1207, Henckelingen en 1336, et ban d’Heckling en 1698. L’habitat ayant prit place sur site aurait disparut durant la Guerre de Trente ans (PAULUS et alii, 1910 ; BLAISING, 1990).

La publication concernant cette nécropole aborde différent point, non seulement méthodologique mais aussi concernant les résultats des études scientifiques, elle est très complète concernant l’organisation des sépultures et les modes d’ensevelissements des corps. On apprend par exemple qu’une seule tombe présente les restes d’un linceul rehaussé de fils d’or et protégé par une auge en calcaire de Jaumont, cette tombe étant probablement celle d’un enfant au vu de sa petite taille.

Les sépultures ont une répartition spatiale bien précise, notamment celle a mobilier, les tombes « pauvres » étant concentrée dans la moitié ouest du champ, quand les tombes aisées sont dans la partie est. Parmi celle-ci ont notera la présence de trois tombes interprétée comme celle de Chefs « porteurs d’épée », le plus vraisemblable est qu’ils furent des chefs de clans.

Tous le mobilier mis au jour durant la fouille fut finement étudier, les résultats et les comparaisons sont parfaitement rendues dans la publication dans la RAE (Revue Archéologique de l’Est).

Outre l’étude mobilier, la démographie et les études anthropologiques sont présentées, la reconnaissances du sexe, de l’âge et de l’état sanitaire (pathologie, fractures, traumatismes…) des individus étant devenue une véritable préoccupation archéologique, en effet la confrontation de ces données offre la possibilité de connaître la répartition des sexes dans la nécropoles et certaines pratiques funéraires. Outre ces considérations, la prise en compte de la répartition par sexe des individus dans l’espace peut également apporter des informations essentielles a la compréhension du site.

La publication de Renée Lansival est si complète qu’il faudrait pouvoir l’analyser en détail, la seule chose que je peux vous conseiller c’est de la lire avec attention, elle le mérite, le travail fourni sur l’étude mobilière est à la fois gigantesque et aussi exhaustif que possible.

Cette publication est disponible ici.

Elisabeth Tribouillard.

Redécouverte de la tombe de la Reine Arégonde.

parure_aregondeMobilier funéraire de la Reine Arégonde, parures.

Source: archeologiesenchantier.ens.fr

C’est lors des fouilles entreprises par Edouard Salin, en 1957 sous la basilique de Saint-Denis, que Michel Fleury a mis au jour un sarcophage contenant une inhumation féminine reconnue comme exceptionnelle par la qualité et la richesse de son mobilier funéraire. C’était la reine Arégonde, épouse de Clotaire Ier (511 – 561) et mère de Chilpéric Ier, elle fut reconnue comme telle par la présence d’une bague en or ornementée d’une inscription : ARNEGVNDIS REGINE, soit Arégonde Reine, déjà connue par les écrits de Grégoire de Tours, elle est maintenant reconnue et connue archéologiquement.

Les études récentes des restes humains associées aux études des restes organiques végétaux et animaux ont permis la réouverture d’une véritable enquête scientifique. D’abord ayant été déclarée morte à l’âge de 45 ans, soit entre 565 et 570, les nouvelles données ont changés totalement cette date, l’anthropologie nous dis maintenant qu’elle serait décédée âgée de 61 (avec une marge d’erreur de plus ou moins trois ans, seulement !), la Reine serait donc morte aux environs de 580, date correspondant beaucoup mieux avec la datation du mobilier funéraire, et confirme de ce fait l’identification historique de la défunte de la tombe 49.

Le réexamen des restes osseux ont permis de recadrer la chronologie, de fait le mobilier orfévré était de style animalier II évolué. Ces études ont été menées par le Laboratoire d’Anthropologie physique de Sophia-Antipolis à Valbonne (Var), sous la direction de Luc Buchet. Le remontage du squelette a permis de constater que malgré les lacunes, près de la moitié du squelette était conservée, dont la mandibule, la colonne vertébrale, une partie du membre supérieur gauche, le bassin, la partie proximale des fémurs, et enfin les pieds. Grâce à cela, la taille d’Arégonde a pu être estimée de 1,50 et 1,60 m et on permit de constater que la Reine était de constitution gracile.

L’étude du mobilier funéraire à lui aussi apporté son lot de surprise et de nouveauté. La paire de fibules discoïdes en or cloisonnés de grenats peut être d’importation, cependant, elles présentent des différences permettant à Michel Fleury qu’elles n’ont peut-être pas été produites dans le même atelier.

Les grenats présents sur différents objets du mobilier ont créé la surprise, en effet une partie d’entre eux proviendrait du Rajasthan, d’autres de Ceylan, et d’autres encore de Bohême. Cette répartition surprenante des origines des grenats prouvent que l’époque mérovingienne était riche et commerçante, et pas uniquement en interaction avec l’Europe occidentale, mais jusqu’à des contrées aussi lointaine que celles du Rajasthan, bien au delà de Constantinople.

Les éléments organiques ne sont pas en reste dans cette étude, en effet de nombreuses informations ont pu être récolté par les chercheurs, ils ont pu identifier le matériel fibreux présent dans la tombe de la Reine. Le linceul d’Arégonde était de toile claire, probablement en fibre végétale, elle était vêtue d’un manteau ou d’une cape « pelucheuse » (aspect du au textile foulé). On sait qu’un tissu de soie à motif géométrique tissé était porté par la Reine, ainsi que d’autres vêtements, telle une tunique légère. Ces données ont permis aux chercheurs de proposer différentes reconstitutions des vêtements, de la tenue de la Reine Arégonde.

Cette nouvelle étude de la tombe 49 de la basilique de Saint-Denis montre combien l’archéologie peut devenir une véritable enquête scientifique, renouvelant totalement notre approche des restes osseux et de tout ce qui peut être conservé dans une tombe de ce type.

Le point histoire et vocabulaire:

Grégoire de Tours : Georgius Florentius Gregorius, né vers 539 et mort en 594, évêque de Tours et historien de l’Eglise et des Rois Francs. Connu pour de par ses écrits : Dix Livres d’Histoire, ou Histoire des Francs.

Clotaire Ier : dit le Vieux, né vers 498 et mort en 561, roi franc de la dynastie des Mérovingiens, fils de Clovis. Il devient roi de Soissons en 511 après la mort de son père, roi d’Orléans en 524 et roi des Burgondes en 534, roi de Metz en 555, roi de Paris en 558, et de 558 à 561 il sera seul à la tête du Royaume des Francs, réunifié comme sous le règne de son père Clovis.

Chilpéric Ier : né entre 525 et 527 mort en 584. Roi franc de la dynastie des Mérovingiens, petit-fils de Clovis, fils de Clotaire Ier et roi de Soisson de 561 à 584, surnommé par Grégoire de Tours « Le Néron et l’Hérode de notre temps ».

Style animalier II évolué : apparut à la fin du VI e siècle, le style animalier est caractérisé par des détails zoomorphes s’intégrant dans des entrelacs symétriques.

A Lire: La tombe d’Arégonde. Nouvelles analyses en laboratoire du mobilier métallique et des restes organiques de la défunte du sarcophage 49 de la basilique de Saint-Denismore par Périn Patrick (Disponible en ligne ici)

Elisabeth Tribouillard.

Les tombes aristocratiques mérovingiennes de Saint-Dizier en Haute-Marne

Focus sur trois sépultures franques de la fin Ve siècle début VIe siècle.

Une des tombes masculines / L. de Cargoüet / Inrap

C’est en 2003 lors de l’opération de fouille de l’INRAP menées sur la zone d’activités du Chêne Saint-Armand que furent mise au jour un trio de sépultures aristocratiques franques, cette découverte est assez extraordinaire, par l’état de conservation des os mais aussi le mobilier funéraire associé à la découverte.

Ces tombes étaient celles de deux hommes, l’un d’âge mur, l’autre jeune, et d’une adolescente, c’est le mobilier funéraire qui nous donne des indications sur la qualité de leur rang dans la société mérovingienne. En effet le dépôt funéraire est magnifique : les deux hommes ont été inhumés avec leurs armes, soit une épée, un scramasaxe et une hache.

La demoiselle était quant à elle accompagnée de ses parures : un collier de perles d’ambre, une bague en or a chaton de pierre ou de verre rouge, un bracelet de bronze ou d’argent, ainsi que les très célèbres fibules caractéristique de cette époque. En effet, on le sait, les mérovingiennes faisaient tenir leurs vêtements à l’aide de fibules, ici, elles sont au nombre de deux, l’une étant cloisonnée, et l’autre digitée en argent. La jeune femme était accompagnée d’autres éléments mobiliers tels qu’un couteau de fer, un récipient de terre cuite, un bassin de bronze, deux verres et une monnaie d’argent.

On connait également la sépulture proche d’un cheval, à l’est des sépultures, aucun élément de harnachement ne lui était associé, cependant, un mors était présent dans une des sépultures masculines, peut-être il y a-t-il là une volonté de réunir monture et cavalier.

Il est certain que les trois tombes sont celles d’un groupe d’individu faisant parti d’un pouvoir local, probablement a associé avec la royauté franque. Ce groupe de sépulture peut être rattaché a l’ensemble des tombes dites de chefs telle celle du Chef de Lavoye (Meuse) dont le mobilier est visible au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye.

Le Point de vocabulaire:

Scramasaxe : arme blanche franque, c’est un coutelas semi-long à un tranchant sur le côté long de la lame, l’autre côté n’étant aiguisé qu’au dernier tiers.

Fibule: (du latin fibula signifiant attache) est une agrafe, généralement en métal, qui sert à fixer les extrémités d’un vêtement.

Pour voir le mobilier de manière interactive l’Inrap a mis en ligne une interface dynamique et permettant de visualiser les objets en 3D : Lien vers la page.

Elisabeth Tribouillard.