L’inhumation habillée et l’appartenance culturelle

Source :

  • STUTZ Françoise, « L’inhumation habillée à l’époque mérovingienne au sud de la Loire », Bulletin de l’année académique 1999-2000, p. 232. (lien)

Cet article est disponible sur le site des sociétés savantes de Toulouse. Le mobilier mérovingien, surtout découvert en contexte funéraire, a autrefois été étudié pour ses qualités esthétiques. Il est pourtant le reflet de pratiques et de cultures. Grâce à de récents apports chrono-typologiques, l’auteur propose de l’appréhender de manière à déceler des changements culturels et des migrations dans le sud de la Gaule durant la période mérovingienne.

Après quelques indications d’articles concernant la culture matérielle, il explique l’adoption de l’inhumation habillée dans la pratique funéraire. Dans l’armée romaine, les soldats germains se distinguent par le dépôt dans les sépultures.  Bien que le  matériel soit gallo-romain, cette pratique ne semble pas caractériser les autres « ethnies » et serait donc un choix culturel. Parallèlement, certaines régions comme le Poitou offrent peu de cas de cette pratique. Ne correspondant pas, dans l’absolu, à des normes chrétiennes, ceci peut être mis en relation avec une forte présence du corps ecclésiastique, qui lutte alors contre l’arianisme. Avec le repeuplement du nord de la Gaule par les vétérans germains et l’arrivée des francs, ces pratiques se généralisent et l’inhumation habillée y devient une norme au VIe siècle.

© Françoise Stutz

© Françoise Stutz

La présentation suit un ordre chronologique. Des restes vestimentaires ont été retrouvés en contexte funéraire wisigothique. Si les pratiques sont similaires, on parvient toutefois à différencier ces objets des productions franques. Grâce à un type de mobilier fortement similaire aux productions du nord de la Gaule, on a identifié quelques nécropoles franques au sud de la Loire. Elles sont datées au tout début du VIe siècle. Avec le dépôt d’armes, pourtant caractéristique des pratiques du nord, certaines sont associées à la conquête de la région. D’autres semblent aristocratiques, comme celle de Beaucaire-sur-Baïse (Gers), aménagée dans une ancienne villa. Dès lors, le nord de la Gaule et l’Aquitaine sont réunis politiquement. Au début du VIIe siècle, le royaume franc est marqué par quelques changements. Les armes ne sont plus déposées dans les tombes, la mode mérovingienne change au travers des parures et des styles régionaux apparaissent. L’inhumation habillée, quant à elle, devient plus fréquente au sud de la Loire. Par l’adoption de pratiques initialement exogènes, on constate alors une fusion culturelle.

© Françoise Stutz

© Françoise Stutz

Cet article traite d’un sujet fort intéressant. Tel une synthèse, les grandes lignes sont clairement exposées sans manquer d’exemples précis. Il peut donc s’adresser à un public des plus larges et nous vous en recommandons sa lecture.

L’alimentation et ses indices sur les restes osseux

Source :

  • KATZENBERG M. Anne, POLET Caroline, « Comportements alimentaires de trois populations médiévales belges: apports de la biogéochimie isotopique », in Revue belge de philologie et d’histoire, Volume 80, 2002, pp. 1371-1390 (lien)

La Revue belge de philologie et d’histoire est fondée en 1922. Un de ses objectifs est de recueillir des articles scientifiques dans les domaines de la philologie et l’histoire. Après avoir exposé les principes généraux de la biogéochimie isotopique, les auteurs présentent le matériel analysé et sa provenance, une description des méthodes employées, les résultats puis en donnent une interprétation. Les données sont donc hiérarchisées et l’article est accessible à un public relativement large mais ayant tout de même eu accès à un certain niveau d’instruction, ce qui doit correspondre aux lecteurs de cette revue.

L’alimentation dans les sociétés anciennes suscite toujours la curiosité. On peut étudier les déchets de consommation pour l’appréhender. On convoque alors les compétences des zooarchéologues pour l’analyse des restes animaliers et celles des carpologues pour les restes végétaux. Or ces méthodes concernent des études en milieu domestique. Les ossements humains mis au jour en contexte funéraire peuvent aussi apporter des informations.

Avec une étude morphologique, on repère les pathologies osseuses et dentaires. Celles-ci renseignent à la fois des carences alimentaires durant la croissance et un régime alimentaire. Les types d’aliments consommés et la préparation de la nourriture peuvent être appréhendés grâce à l’usure dentaire. Tandis que la formation de caries peut révéler une alimentation riche en sucre, le tartre trahit le manque de soin mais aussi une alimentation riche en protéines. L’étude présentée dans cet article utilise une toute autre méthode : la biogéochimie isotopique.

Proportions en isotopes stables comparées à un standard© KATZENBERG M. Anne, POLET Caroline

Proportions en isotopes stables comparées à un standard
© KATZENBERG M. Anne, POLET Caroline

Son principe est de faire le rapport entre les masses d’échantillons d’isotopes de carbone ou d’azote et de le comparer à un standard, tel un carbonate marin ou l’azote présent dans atmosphérique. Les atomes analysés sont prélevés dans le collagène. Le collagène d’un individu est « plus riche en isotopes lourds que les produits dont il se nourrit ». Ce rapport est alors de plus en plus élevé en « remontant » la chaîne alimentaire. Or il tend à l’être d’autant plus chez les animaux marins. Il est donc possible d’estimer la proportion de produits marins consommés et d’observer des changements du régime alimentaire.

Cette étude est réalisée sur des restes humains découverts sur trois sites médiévaux en Belgique. Les sites de Torgny et Ciply sont des cimetières mérovingiens utilisés du VIe au VIIe siècle et associés à un habitat rural. L’abbaye des Dunes de Coxyde a été fondée en 1107 et abandonnée à partir de 1601. Les échantillons analysés proviennent de sa nécropole monastique et de quelques sépultures se trouvant dans les galeries du grand cloître et dans l’église abbatiale. Pour tenter de reconstituer une chaîne alimentaire, des prélèvements sont aussi effectués sur des restes d’animaux découverts sur ces sites.

Localisation de Coxyde, Ciply et Torgny© KATZENBERG M. Anne, POLET Caroline

Localisation de Coxyde, Ciply et Torgny
© KATZENBERG M. Anne, POLET Caroline

Les populations des deux sites mérovingiens semblent avoir des sources de protéines similaires. Il s’agit de produits provenant principalement d’herbivores de milieu ouvert, tels le mouton et le porc. Ce dernier, quant à lui, semble être majoritairement nourri d’aliments végétaux. On constate que l’accès aux protéines ne diffère pas selon le sexe, contrairement à d’autres cultures (FARB & ARMELAGOS, 1985). A contrario, à Coxyde, les résultats suggèrent une plus importante consommation de poisson. Ceci fait écho aux mentions de pêcheries associées à l’abbaye.

En somme, les restes humains mis au jour en milieu funéraire ainsi que les quelques échantillons dos d’’animaux permettent de compléter nos connaissances sur l’alimentation en milieu rural et le traitement du bétail à l’époque mérovingienne.

Pour plus de détails, nous vous recommandons la lecture cet article.

La nécropole du « Poteau » à Richelieu (Indre-et-Loire)

Source :

  • BLANCHARD Philippe, GEORGES Patrice, « La nécropole du « Poteau » à Richelieu (Indre-et-Loire) : apport chrono-typologiques », in Revue Archéologique du Centre de la France, Tome 43, 2004, pp. 149-169 [en ligne] (lien)
Sépulture S.12, Coffrage mixte, Nécropole du "Poteau", Richelieu (Indre-et-Loire)Le pied et le couvercle étaient en matériaux périssables. © BLANCHARD Philippe, GEORGES Patrice

Sépulture S.12, Coffrage mixte, Nécropole du « Poteau », Richelieu (Indre-et-Loire)
Le pied et le couvercle étaient en matériaux périssables. © BLANCHARD Philippe, GEORGES Patrice

Cette publication est tirée du périodique « RACF », qui a mis en ligne l’ensemble des articles parus jusqu’en 2004 sur le site Persée. La fouille de la nécropole du « Poteau » est une opération préventive réalisée par l’INRAP à l’occasion de la construction d’un axe routier. Si la région a été le « siège de nombreuses études anthropologiques » ces deux derniers siècles, les informations à en tirer sont biaisées par des objectifs qui ne sont plus d’actualité. Cette fouille est alors l’occasion d’affiner les données chrono-typologiques. La diversité des modes d’inhumation, l’analyse de l’organisation spatiale et l’étude des gestes funéraires fait de cet article une synthèse qui dépasse le cadre des particularité régionales. Les rédacteurs exposent leur réflexion ainsi que des principes parmi les plus fondamentaux pour « lire » une sépulture, telle la taphonomie (*). Cet article est alors fortement recommandé pour toute personne curieuse à l’égard de ce domaine et nous tenterons d’en prélever des idées générales.

Le mobilier mis au jour dans certaines tombes milite en faveur de la datation de cette nécropole au VIIème siècle. En effet, on identifie les types de fibules, d’anneaux et de perles retrouvés et on rappelle leurs autres contextes de découverte. Si certains objets suggèrent une datation ample, les travaux de Stefan Thörle font des fibules un indicateur chronologique précis.

La délimitation de l’espace semble préétablie. Les réductions de corps et les recoupements entre les sépultures sont généralement propres au milieu urbain par le manque de place. Or, comme il est de coutume à cette époque, la nécropole est implantée hors des villes (sans que l’on sache pour autant si elle est en « plein champ » ou liée à un édifice religieux). Ces pratiques résulteraient donc d’une longue occupation des lieux. Elles révèlent aussi les réaménagements par le « groupe inhumant », qui s’adapte aux limites volontaires ou contraintes de la nécropole.

Les types de contenants funéraires présents sur le site sont variés – des sarcophages et des coffrages. Contrairement aux premiers, les seconds ne sont pas mobiles. Le lieu de dépôt du défunt est alors directement aménagé sur place. Or, à la différence des sépultures en « pleine-terre », ils disposent de structures de bois, de pierre (lauzes ou dalles), ou des deux à la fois. Dans ce dernier cas, on parle de « coffrage mixte ». Les parois sont alors de pierre puis le fond et le couvercle peuvent être de bois. Néanmoins, la présence de pierres dans l’aménagement n’est pas déterminant et il peut tout de même s’agir d’un simple « coffrage de bois ». En effet, elles peuvent correspondre à un dispositif servant à caler les planches, comme dans la sépulture S.19 de cette nécropole. La présence d’un fond, quant-à-elle, devrait être déterminée par la profondeur des ossements ou un effet de sol. Néanmoins, cet effet pourrait résulter d’un « dispositif de transport » déposé avec le défunt. L’usage d’un brancard dans le sarcophage 3 a justement été suggéré par le déplacement des ossements en raison de sa décomposition.

Le genre et l’âge du décès des sujets n’ont pas tous pu être déterminés en raison de l’état de conservation des restes osseux. De plus, la zone fouillée est trop exiguë pour que les données soient représentatives de l’ensemble de la nécropole. En revanche, ils ont tous été allongés sur le dos (décubitus dorsal), la tête droite, comme l’exigent les normes chrétiennes. Les anomalies sont, quant à elles, en relation avec le déplacement des ossements lors de la décomposition du corps.
Par ailleurs, l’acte funéraire impliquant la décision des autres, un individu que l’on dépose volontairement dans une autre position pourrait alors traduire des pratiques « païennes » voire, dans un cas extrême, une punition.
La sépulture S.8 a la particularité de présenter l’inhumation collective d’un adulte et d’un enfant.
La fonction du mobilier qui accompagne les sujets n’est interprétée qu’après avoir déterminé leur position d’origine. Certains objets sont déposés à proximité du défunt par les pairs, d’autres sont portés ou font partie du vêtement. Ce devrait notamment être le cas de certaines perles et les anneaux cuivreux de la tombe S.11.

En somme, mêlant réflexion sur des données nouvelles pour la région et explications, cet article est riche en informations et pourrait même être abordé par des lecteurs « non-initiés ».

Taphonomie : Il s’agit de l’ensemble des événements qui interviennent sur les restes animaliers après la mort et avant la fossilisation (déplacements durant la décomposition, altérations en raison de parasites, etc.)

Les sarcophages

On ne peut parler du monde funéraire mérovingien sans mentionner le contenant caractéristique de l’époque : le sarcophage. Il s’agit d’un contenant funéraire lithique mobile constitué d’une cuve et d’un couvercle.

Adapté à la pratique de l’inhumation, la production de celui-ci s’est développée parallèlement à l’essor de la religion chrétienne dans tout l’Empire, au détriment d’un paganisme romain qui impliquait la pratique de la crémation. Les sarcophages constituent alors un moyen d’exprimer sa richesse et sa piété par l’intermédiaire des matériaux employés et de l’iconographie.

Les premières études à leur sujet s’attachaient à établir une typologie en fonction de l’iconographie. Or cet angle d’approche limite l’analyse aux sarcophages luxueux de marbre, notamment ceux de tradition tardo-antique. Au cours du Ve siècle, la diffusion de sarcophages luxueux d’une province à l’autre ralentit au profit de l’utilisation des productions locales plus modestes. Le décor est alors plus discret voire absent.

Carte typologie Delahaye

© Gilbert-Robert Delahaye, 1983

C’est ainsi que les sarcophages doivent être étudiés selon d’autres critères. Il s’agit de la morphologie, du matériau et de la méthode de taille. On peut alors tenter de déterminer :

  • Le lieu d’extraction, en identifiant l’origine de la roche
  • Le lieu de production, selon des traditions régionales (les types sont proposées, entre autres, par Gilbert-Robert Delahaye en 1983 : « bourguignon-champenois », « centre-est », « nivernais », « à bandes de stries gravées », « de Bordeaux » et « poitevin »).
  • Une époque, selon les variantes morphologiques (on observe une tendance à la forme de plus en plus trapézoïdale, le surbaissement progressif du pied et l’apparition de dispositifs céphaliques)
  • Des ateliers : selon les traces d’outils et le geste de l’artisan.

Ces éléments en font un indicateur socio-économique.

À Quarré-les-Tombes (Yonne), le Centre d’Études Médiévales d’Auxerre a réalisé une étude typologique et pétrographique des vestiges de sarcophages d’un cimetière mérovingien (article disponible en ligne ici). Celui-ci devrait s’organiser autour d’un sanctuaire funéraire antérieur à l’église actuelle. Deux sites d’extraction potentiels ont été suggérés grâce à l’identification des calcaires utilisés. L’homogénéité typologique et la variété des méthodes de taille impliquent qu’ils ont été produits par plusieurs ateliers dans un secteur réduit à partir d’un modèle standardisé.
En Bigorre, l’usage de sarcophages produits localement a aussi été identifié par Jean-Luc Boudartchouk (article disponible en ligne ici). En effet, reconnaissables au calcaire du Massif du Béout, leur diffusion ne semble pas dépasser 40 km du lieu d’extraction. Elle semble même être gérée par l’administration du pagus, puisqu’aucun sarcophage exogène n’y a été découvert jusqu’à présent.

tableau typologie sarcophages CEM 1

Typologie des sarcophages proposée par le CEM d’Auxerre.
© CEM, 2009.

tableau typologie sarcophages 2

Typologie des sarcophages proposée par le CEM d’Auxerre.
© CEM, 2009.

Il ne semble pas exister d’articles en ligne reprenant l’ensemble des standards régionaux de sarcophages mérovingiens. Il est toutefois possible d’en observer certains éléments sur cette page. De manière générale, les informations sont à prélever sur des publications distinctes provenant de sites tels Persée et Revues.org. Ceci implique la connaissance préalable des différents types. De plus, si le site Wikipedia propose une synthèse en guise de première approche au sujet des sarcophages paléochrétiens, ce n’est pas le cas de ceux de contexte mérovingien. Les sources en lignes sont donc limitées à des études approfondies sur des publications de spécialistes.

Le dépôt de restes animaliers dans la pratique funéraire

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Tombe 144, restes de lièvres près des pieds © cliché M. Mercier.

Source :

  • Jean CANTUEL, Lluis GARCIA PETIT, Armelle GARDEISEN et Monique MERCIER, « Analyse archéozoologique du mobilier faunique de la nécropole mérovingienne de Crotenay (Jura) » in Revue Archéologique de l’Est, tome 58, 2009 (Disponible en ligne ici).

Nous vous présentons un article issu de la version en ligne du périodique Revue Archéologique de l’Est. Il s’agit d’une revue inter-régionale à vocation scientifique rassemblant des écrits synthétiques au sujet des recherches récemment menées. Si ces écrits sont destinés aux chercheurs, leur libre accès sur le site revues.org marquent pourtant une volonté de transmission des informations à un public plus large. Malheureusement le site en question ne bénéficie pas encore de la même notoriété que des plate-formes telles que Cairn ou Persée, malgré la récence et la gratuité des publications.

La nécropole de Crotenay, dans le Jura, a été fouillée de 1968 à 1977 par le Docteur Mercier. Des individus y sont inhumés du milieu du Ve siècle à la période carolingienne. Elle rassemble 465 sépultures majoritairement en matériaux périssables, notamment durant les deux premiers siècles d’occupation du site.

Tandis que le mobilier funéraire est pauvre voire totalement absent durant la phase finale, la présence de mobilier faunique dans le remplissage de onze tombes tend à nous révéler des pratiques funéraires en contexte mérovingien. Grâce à cet article, les auteurs nous donnent un aperçu de cette étude en attendant la publication consacrée à la nécropole dans son ensemble.

La nature, l’état et la disposition des restes en matière dure animale sont décrits dans un premier temps. Parmi les dépôts vraisemblablement volontaires, on pourrait distinguer certains gestes et investissements selon les individus inhumés. Les auteurs replacent ensuite les observations dans un champ de réflexion plus large. C’est ainsi que se pose la question des offrandes alimentaires, après un rappel des principales caractéristiques de cette pratique dans la Gaule mérovingienne selon une récente synthèse (Dierkens, 2008). Or les auteurs nous avertissent de la délicatesse de l’interprétation et nuancent volontiers leurs propos.

Le dépôt de restes animaliers concerne une infime minorité des sépultures. Cependant, il pourrait constituer un des rares indices du processus de christianisation, qui ne semble pas avoir subitement modifié les habitudes funéraires.

Pour plus de détails, nous vous recommandons la lecture de cet article disponible en ligne (supra)

Antoine Damsin