Les sarcophages

On ne peut parler du monde funéraire mérovingien sans mentionner le contenant caractéristique de l’époque : le sarcophage. Il s’agit d’un contenant funéraire lithique mobile constitué d’une cuve et d’un couvercle.

Adapté à la pratique de l’inhumation, la production de celui-ci s’est développée parallèlement à l’essor de la religion chrétienne dans tout l’Empire, au détriment d’un paganisme romain qui impliquait la pratique de la crémation. Les sarcophages constituent alors un moyen d’exprimer sa richesse et sa piété par l’intermédiaire des matériaux employés et de l’iconographie.

Les premières études à leur sujet s’attachaient à établir une typologie en fonction de l’iconographie. Or cet angle d’approche limite l’analyse aux sarcophages luxueux de marbre, notamment ceux de tradition tardo-antique. Au cours du Ve siècle, la diffusion de sarcophages luxueux d’une province à l’autre ralentit au profit de l’utilisation des productions locales plus modestes. Le décor est alors plus discret voire absent.

Carte typologie Delahaye

© Gilbert-Robert Delahaye, 1983

C’est ainsi que les sarcophages doivent être étudiés selon d’autres critères. Il s’agit de la morphologie, du matériau et de la méthode de taille. On peut alors tenter de déterminer :

  • Le lieu d’extraction, en identifiant l’origine de la roche
  • Le lieu de production, selon des traditions régionales (les types sont proposées, entre autres, par Gilbert-Robert Delahaye en 1983 : « bourguignon-champenois », « centre-est », « nivernais », « à bandes de stries gravées », « de Bordeaux » et « poitevin »).
  • Une époque, selon les variantes morphologiques (on observe une tendance à la forme de plus en plus trapézoïdale, le surbaissement progressif du pied et l’apparition de dispositifs céphaliques)
  • Des ateliers : selon les traces d’outils et le geste de l’artisan.

Ces éléments en font un indicateur socio-économique.

À Quarré-les-Tombes (Yonne), le Centre d’Études Médiévales d’Auxerre a réalisé une étude typologique et pétrographique des vestiges de sarcophages d’un cimetière mérovingien (article disponible en ligne ici). Celui-ci devrait s’organiser autour d’un sanctuaire funéraire antérieur à l’église actuelle. Deux sites d’extraction potentiels ont été suggérés grâce à l’identification des calcaires utilisés. L’homogénéité typologique et la variété des méthodes de taille impliquent qu’ils ont été produits par plusieurs ateliers dans un secteur réduit à partir d’un modèle standardisé.
En Bigorre, l’usage de sarcophages produits localement a aussi été identifié par Jean-Luc Boudartchouk (article disponible en ligne ici). En effet, reconnaissables au calcaire du Massif du Béout, leur diffusion ne semble pas dépasser 40 km du lieu d’extraction. Elle semble même être gérée par l’administration du pagus, puisqu’aucun sarcophage exogène n’y a été découvert jusqu’à présent.

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Typologie des sarcophages proposée par le CEM d’Auxerre.
© CEM, 2009.

tableau typologie sarcophages 2

Typologie des sarcophages proposée par le CEM d’Auxerre.
© CEM, 2009.

Il ne semble pas exister d’articles en ligne reprenant l’ensemble des standards régionaux de sarcophages mérovingiens. Il est toutefois possible d’en observer certains éléments sur cette page. De manière générale, les informations sont à prélever sur des publications distinctes provenant de sites tels Persée et Revues.org. Ceci implique la connaissance préalable des différents types. De plus, si le site Wikipedia propose une synthèse en guise de première approche au sujet des sarcophages paléochrétiens, ce n’est pas le cas de ceux de contexte mérovingien. Les sources en lignes sont donc limitées à des études approfondies sur des publications de spécialistes.

Focus: La nécropole mérovingienne de Metzervisse (Moselle).

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Répartition spatiale des sexes et des différentes catégories de mobilier (dessin : B. Daux ; DAO : E. Rouger).

La nécropole mérovingienne de Metzervisse a été mise au jour lors d’une fouille préventive en 1995. Il fut mit en évidence qu’elle était en utilisation tout au long du VII e siècle jusqu’au IX e siècle. Cinquante-neuf inhumations furent découverte, le tout a proximité d’une villa gallo-romaine. Le mobilier funéraire est à la fois riche et bien conservé, révélant par sa composition (accessoires vestimentaires, parures, armes…) que la communauté était dominée par une aristocratie guerrière.

Le site se situe dans un secteur d’occupation anthropique très ancienne, remontant vraisemblablement au Paléolithique inférieur et moyen, datation proposée suite a la découverte de galet aménagés et d’éclats retouchés durant une prospection pédestre.

Les sources historiques citant pour la première fois le site sont datées de 897 / 898, nous donnant des informations a propos d’un don terrien au lieu-dit Hihelingas (HAUBRICHS, 1985, p.500 – 501). Ce nom de Hihelingas évoluera au fil du temps, on le connais en tant que Ichilingas au XII e siècle, Hekelinge en 1207, Henckelingen en 1336, et ban d’Heckling en 1698. L’habitat ayant prit place sur site aurait disparut durant la Guerre de Trente ans (PAULUS et alii, 1910 ; BLAISING, 1990).

La publication concernant cette nécropole aborde différent point, non seulement méthodologique mais aussi concernant les résultats des études scientifiques, elle est très complète concernant l’organisation des sépultures et les modes d’ensevelissements des corps. On apprend par exemple qu’une seule tombe présente les restes d’un linceul rehaussé de fils d’or et protégé par une auge en calcaire de Jaumont, cette tombe étant probablement celle d’un enfant au vu de sa petite taille.

Les sépultures ont une répartition spatiale bien précise, notamment celle a mobilier, les tombes « pauvres » étant concentrée dans la moitié ouest du champ, quand les tombes aisées sont dans la partie est. Parmi celle-ci ont notera la présence de trois tombes interprétée comme celle de Chefs « porteurs d’épée », le plus vraisemblable est qu’ils furent des chefs de clans.

Tous le mobilier mis au jour durant la fouille fut finement étudier, les résultats et les comparaisons sont parfaitement rendues dans la publication dans la RAE (Revue Archéologique de l’Est).

Outre l’étude mobilier, la démographie et les études anthropologiques sont présentées, la reconnaissances du sexe, de l’âge et de l’état sanitaire (pathologie, fractures, traumatismes…) des individus étant devenue une véritable préoccupation archéologique, en effet la confrontation de ces données offre la possibilité de connaître la répartition des sexes dans la nécropoles et certaines pratiques funéraires. Outre ces considérations, la prise en compte de la répartition par sexe des individus dans l’espace peut également apporter des informations essentielles a la compréhension du site.

La publication de Renée Lansival est si complète qu’il faudrait pouvoir l’analyser en détail, la seule chose que je peux vous conseiller c’est de la lire avec attention, elle le mérite, le travail fourni sur l’étude mobilière est à la fois gigantesque et aussi exhaustif que possible.

Cette publication est disponible ici.

Elisabeth Tribouillard.

Les tombes aristocratiques mérovingiennes de Saint-Dizier en Haute-Marne

Focus sur trois sépultures franques de la fin Ve siècle début VIe siècle.

Une des tombes masculines / L. de Cargoüet / Inrap

C’est en 2003 lors de l’opération de fouille de l’INRAP menées sur la zone d’activités du Chêne Saint-Armand que furent mise au jour un trio de sépultures aristocratiques franques, cette découverte est assez extraordinaire, par l’état de conservation des os mais aussi le mobilier funéraire associé à la découverte.

Ces tombes étaient celles de deux hommes, l’un d’âge mur, l’autre jeune, et d’une adolescente, c’est le mobilier funéraire qui nous donne des indications sur la qualité de leur rang dans la société mérovingienne. En effet le dépôt funéraire est magnifique : les deux hommes ont été inhumés avec leurs armes, soit une épée, un scramasaxe et une hache.

La demoiselle était quant à elle accompagnée de ses parures : un collier de perles d’ambre, une bague en or a chaton de pierre ou de verre rouge, un bracelet de bronze ou d’argent, ainsi que les très célèbres fibules caractéristique de cette époque. En effet, on le sait, les mérovingiennes faisaient tenir leurs vêtements à l’aide de fibules, ici, elles sont au nombre de deux, l’une étant cloisonnée, et l’autre digitée en argent. La jeune femme était accompagnée d’autres éléments mobiliers tels qu’un couteau de fer, un récipient de terre cuite, un bassin de bronze, deux verres et une monnaie d’argent.

On connait également la sépulture proche d’un cheval, à l’est des sépultures, aucun élément de harnachement ne lui était associé, cependant, un mors était présent dans une des sépultures masculines, peut-être il y a-t-il là une volonté de réunir monture et cavalier.

Il est certain que les trois tombes sont celles d’un groupe d’individu faisant parti d’un pouvoir local, probablement a associé avec la royauté franque. Ce groupe de sépulture peut être rattaché a l’ensemble des tombes dites de chefs telle celle du Chef de Lavoye (Meuse) dont le mobilier est visible au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye.

Le Point de vocabulaire:

Scramasaxe : arme blanche franque, c’est un coutelas semi-long à un tranchant sur le côté long de la lame, l’autre côté n’étant aiguisé qu’au dernier tiers.

Fibule: (du latin fibula signifiant attache) est une agrafe, généralement en métal, qui sert à fixer les extrémités d’un vêtement.

Pour voir le mobilier de manière interactive l’Inrap a mis en ligne une interface dynamique et permettant de visualiser les objets en 3D : Lien vers la page.

Elisabeth Tribouillard.